Des nouvelles du paradis
Il s'appelle Anton et il a 22 ans. Il est marchand de bracelets en noix de coco sur la plage de Sengigi a Lombok et chaque jour il fait le trajet depuis Mataram ou il habite avec son frere en mobylette. Lorsqu'il sourit on decouvre vite les dents du bonheur, assez de place pour y passer un doigt. Depuis 2 jours, on le croise de plage en plage, au milieu de dizaines d'autres vendeurs au double-prenom : un catholique pour les touristes facon Jo, Johnny et autre Antoine et un 2eme, avoue quelques minutes plus tard si la conversation se prolonge, souvent Mohammed ou Hassan, Lombok est une ile musulmane on l'oublie trop souvent. Ses collegues de travail auront tente un bon millier de fois de nous vendre des lunettes Ray bun ou Gucco, des DVD plus pirates que Pirates des Caraibes, des masques, des montres Chanul, des ouvres-bouteilles en forme de penis d'une rare delicatesse, ou quelques sarongs taille unique pour emballer au choix un corps de touriste ou une voiture volee.
Comme tous ses amis, il aime la mer et le surf. La plage nous dit-il, c'est son ecole. Ses professeurs d'anglais ? Les touristes qu'il harcele quotidiennement ou avec lesquels il sympatise selon son humeur du jour. Nous, il nous aime bien. On lui a souri la premiere fois et on lui a dit Teri Makasi, merci en indonesien ce qui a suffi a nous elever au rang de touristes sympas. Alors chaque jour il essaye de nous vendre un truc, mais il se lasse avant nous pour bien vite parler d'autres choses. De la beaute de son ile, de la difficulte d'y vivre, d'y trouver un travail decent. Courir apres les touristes pour financer ne serait-ce que l'essence pour rentrer a la maison ou le repas du soir. Quand il n'y a pas assez de clients ? Il dort sur la plage, ou dans les echoppes des collegues qui ont la chance d'en avoir une au marche artisanal. Le paradis aussi a ses gardiens de plage semble-t-il et si Aznavour chantait qu'on est moins malheureux au soleil, on n'en est pas pour autant heureux. Alors ils y vont tous de leur technique, harcelement, faux pleurs... tout a l'heure, ils etaient 5 autour de nous et l'un d'eux nous expliquait qu'il n'avait pas gagne assez pour payer son retour, les autres ont alors explose de rire en lui demandant s'il allait bientot nous faire pleurer en nous parlant de son pere et de sa mere disparues. Il a eclate de rire a son tour et pourtant il n'avait pas besoin, tombe d'un cocotier tout jeune comme Keith Richards tout vieux, il a eu moins de chance et vit depuis avec la moitie des muscles atrophies. Qu'importe, ils en bavent tous mais ils ne perdront leur joie de vivre a aucun prix. Derriere ses vendeurs aussi emmerdants soient-ils, on a pris une fois encore une belle lecon de vie, c'est peut-etre ca le paradis des iles.